La bière en région Lilloise ce n’est pas du folklore. On y dénombrait plus de 2.500 brasseries avant la première guerre et surtout cela ne date pas d’aujourd’hui. On trouverait les premières traces d’une activité « brassicole » à Lille à la fin du premier millénaire.

Sans remonter jusque là, c’est bel et bien en 1752 que la bière a fait son entrée dans la famille Motte avec l’acquisition de la Brasserie de l’Etoile, le long de la Lys, à Armentières. Début d’une incroyable histoire qui se poursuit aujourd’hui !

Le premier vrai virage a été pris à la fin de la Grande Guerre quand René Motte revient sur Armentières pour y construire la brasserie Motte-Cordonnier, le site actuel. En 1920 les travaux débutent, en 1923 s’écoule déjà le premier brassin !

Ce bâtiment construit sur les plans de l’architecte Marcel Forest est une des toutes premières brasseries gravitaires.

Avec sa superbe façade de briques et son escalier central inspiré des beffrois du Nord, classés depuis le 31 décembre 1999 à l’inventaire des monuments historiques (de même que la malterie et les bureaux), la brasserie devient rapidement la plus importante du Nord de la France et même la 3e brasserie française, comptant près de 1.000 salariés ! Devant se trouvait l’estaminet et la chapelle, comme pour toute entreprise de l’époque dans ce Nord bien catholique.

Motte-Cordonnier produit alors de la bière en fermentation basse, réalisant son maltage sur place (jusqu’à 650 tonnes par mois !) à partir des orges qui arrivaient par péniches sur la Lys.

Concassé et versé à l’étage supérieur dans la salle de meunerie, le malt redescendait dans les chaudières à moût et dans la salle de brassage aux deux immenses chaudières en cuivre, l’une de 400 hl et l’autre de 260 hl, chauffées par serpentins.

Ses bières arrosaient alors tous les cafés de la région mais n’étaient pas disponibles dans le commerce. Résultat, dans les années 70, avec le développement de la grande distribution, Motte-Cordonnier ne répond plus à la nouvelle demande de consommation et a de plus en plus de mal à faire face à la conjoncture. Pour tenter de rester sur le marché, la famille achète des brasseries à Caen, Amiens et Nancy. En vain…

La brasserie d’Armentières est finalement acquise par le groupe Artois (devenu Interbrew en 1992 et AB InBev en 2005) dans les années 70 alors que jusqu’à un million d’hectolitres de bière, dont la célèbre Véga 2000, ont été produits sur place, sans compter les fameux sodas MOCOrange et MOCOcitron.

Un plan misant sur une production de 3 millions d’hectolitres a même été imaginé par le géant belge, mais finalement la production sera rapatriée sur Louvain, outre-Quiévrain. Le brassage s’arrêtera ainsi en 1993, l’embouteillage en 2001, l’enfûtage en 2003. Il y a 10 ans AB InBev a définitivement quitté Armentières.

Après des années où le lieu laissé à l’abandon sert de site d’entraînement pour les pompiers et le GIGN, mais aussi des destructions de bâtiments, la brasserie, la malterie et les bureaux vont être réhabilités à partir de 2020 par Cogedim Histoire & Patrimoine. Le promoteur va y proposer 89 appartements (du T1 au T4 duplex, de 27 à 104 m²). De quoi s’installer dans un haut lieu de l’histoire brassicole française !

La famille Motte relance la brasserie

Mais surtout, après le décès de leur père Bertrand en 2018, Frédéric Motte, Président du Medef Hauts-de-France, et ses deux frères François et Gonzague, ont procédé à la création de la nouvelle Société Motte-Cordonnier… AB InBev ayant oublié d’en redéposer le nom !
Pour l’anecdote le géant belge ayant vu la création de la nouvelle société a tout de suite réagi en redéposant toutes les marques des bières produites par Motte-Cordonnier autrefois…

Ainsi, aujourd’hui, les trois frères, leurs épouses et leurs neuf enfants, se sont lancés dans l’aventure et ont permis, 370 ans après les débuts de l’histoire de la bière sur les bords de la Lys, la production d’un tout nouveau brassin Motte-Cordonnier, la René.

Cette blonde titrant 6° est brassée, par la Brasserie de Saint-Sylvestre (3 Monts) dans la commune voisine de Saint Sylvestre de Capelle, avec du malt local et du houblon des Flandres.

Elle est aujourd’hui distribuée sur Armentières, chez certains cavistes et cafés-hôtels-restaurants de la métropole Lilloise, ainsi qu’à l’hôtel Opéra Liège à Paris. Une bière de Noël, dont nous taisons volontairement le nom, a été brassée cette fois par la Brasserie du Pays Flamand à Blaringhem.

Sa mise en bouteille est prévue pour le 5 novembre pour refermentation et sa mise en vente le 22 novembre (diffusion en avant première sur le marché d’Armentières !) exclusivement en bouteille de 75cl. Il s’agit d’une bière titrant 7°, légèrement ambrée, au houblon des Flandres, refermentée en bouteille et, pour épicer le tout, agrémentée d’une touche de poivre de Sichuan. Il va falloir être patient…

Pour en revenir au site actuel de la brasserie, tout d’abord précisons qu’il ne se visite pas. Et, pour ce qui est des parties non classées (zone d’embouteillage et de stockage), on leur cherche encore une destination autour d’un projet baptisé Euraloisirs.

La 10e génération de brasseurs de la famille Motte espère bien pouvoir en reprendre l’un des bâtiments afin d’en faire leur brasserie artisanale, avec son estaminet et son musée. De quoi réellement redonner une vie brassicole au lieu !

D’ailleurs, pour fêter les 100 ans du bâtiment historique, la famille Motte a prévu d’organiser un grand banquet sur le site, avec les anciens salariés toujours de ce monde, et célébrer ainsi la formidable histoire de cette grande brasserie d’Armentières qui s’écrit encore aujourd’hui.

Pour plus d’information sur la nouvelle brasserie, voir le site de Motte-Cordonnier.

 

La brasserie historique Motte-Cordonnier en images