Quand vous demandez aux gens avec quels ingrédients fait-on de la bière, le plus fréquemment cité n’est autre que le houblon.
Certes il s’agit bel et bien d’un des plus importants de la recette (il est même indispensable sinon ce n’est pas de la bière mais de la cervoise qui va être produit) mais il n’empêche que c’est celui qui est utilisé en plus faible quantité avec la levure.
Car oui, ce qu’il y a en plus grande quantité dans la bière c’est… de l’eau ! Puis nous y trouvons des céréales maltées ou non (orge, blé, mais, riz, épeautre, avoine…), en moyenne 150g pour un litre, puis de la levure (1cl) et enfin du houblon (2g).
L’histoire veut que le houblon fit son apparition en France au VIIIe siècle lorsque Pépin le Bref, le père de Charlemagne, en apporta quelques pieds aux moines de l’Abbaye de Saint-Denis qui brassaient leur cervoise.
Utilisé au départ pour aromatiser le breuvage, il prit encore plus d’importance au XIIe quand Hildegarde de Bingen mit en évidence les propriétés aseptisantes et conservatrices de la plante lorsqu’on l’utilisait dans la bière.
Enfin en 1417 une loi est adoptée, obligeant les brasseries de Strasbourg à l’utiliser. C’est le début de la culture du houblon en Alsace, puis en Flandre alors que jusque là il provenait principalement d’Europe de l’Est.
C’est justement en Flandre, à Poperinge en Belgique, où nous sommes allés faire un reportage sur la récolte de cette plante incroyable qui joue un rôle si important dans l’univers de la bière.
Le houblon, une liane qui peut atteindre 10 mètres
Mais tout d’abord intéressons nous à la plante en général. Ainsi sachez que si le houblon peut bien sûr être une plante sauvage, il est surtout cultivé aujourd’hui dans des champs, les houblonnières.
L’Humulus lupulus, de son nom savant, est de la famille des Cannabinacées (comme le chanvre et le cannabis). Il se présente sous la forme d’une liane profondément enracinée qui va s’enrouler sur un support dans le sens des aiguilles d’une montre. Un plant mesure entre 2 et 7 mètres (certains atteignent les 10 mètres).
Les agriculteurs utilisent des boutures sur des souches ou procèdent à des micro-bouturages pour créer leur houblonnière qui peut compter entre 3.000 et 5.000 pieds par hectare et offrir un rendement de 1 tonne à 2 tonnes de houblon à l’hectare selon les variétés.
Un gigantesque champ de poteaux de bois alignés et rejoints par des fils métalliques tendus entre eux va constituer le support de culture des pieds de houblon.
La plante va être replantée en mars après une période de sommeil hivernal pour les champs. C’est à ce moment que l’on récolte les jets, des pousses tendres et comestibles qui sont très recherchées des gastronomes et dont les prix atteignent des sommets (on vous en a parlé ici).
Des sommets que l’agriculteur va lui aussi atteindre à cette période pour fixer sur les lignes horizontales les fils verticaux sur lesquels vont monter les lianes. Elles seront liées au mois d’avril quand elles auront atteint une certaine longueur.
Le houblon va fleurir à partir de juin. La plante est dite dioïque, à savoir que ses fleurs sont unisexuées, mâles et femelles apparaissent sur des pieds différents.
Seuls les pieds femelles produisent les cônes, qui poussent en grappe, qui sont utilisés pour la bière. Ce sont ces derniers qui contiennent une poudre jaune amerisante, la lupuline et des huiles aromatiques. Mais nous y viendrons plus tard.
La récolte débute fin août jusqu’à mi-septembre, elle doit se faire juste avant que les cônes ne s’ouvrent et libère la lupuline. Les lianes de houblons sont aujourd’hui décrochées mécaniquement via un passage en tracteur dans les rangs. Ensuite les cônes sont récupérés à l’aide de machines qui les séparent des feuilles et autres tiges. Avant d’être séchés et mis en sacs.
Le houblon sera alors utilisé tel quel par le brasseur ou en pellets, sorte de granules fabriqués à partir du cône.
Les variétés de houblon et son développement en France
Le brasseur va aussi devoir choisir ses variétés de houblon. En effet la plante possède des propriétés amérisantes mais également aromatisantes. Cela va dépendre de la concentration d’acide alpha contenu dans la lupuline des cônes. Plus le taux est élevé, plus le houblon sera amérisant (entre 8 et 15%). De fait un plus faible taux donnera au houblon sa puissance aromatique (entre 3 et 8%).
On parle de cinq familles de houblon aromatiques: épicés, floraux, végétal, citrus (agrume) et fruité.
Et dans chacun de ces « profils », il existe une nombre de variétés, dont par exemple le Strisselspalt à l’arôme très fin, doux et équilibré, le Cascade, originaire d’Amérique du Nord, floral avec des arômes d’agrumes, le Savinjski Golding issu de Slovénie, aux délicates notes épicées et le Magnum, un houblon amer, floral avec des impressions fruitées.
Devant la multitude de variétés de houblon existantes dans le monde, les professionnels ont élargi leurs descripteurs d’arômes de houblon. Les 5 profils cités ci-dessous sont devenus 12 critères : floral, agrume, fruits sucrés (banane, pastèque, melon,…), fruits verts (pomme, raisin, poire,…), fruits rouges, crème caramel, boisé, menthe, herbacé, épicé, végétal.
Des profils aromatiques plus précis, afin d’aider les brasseurs dans leur choix pour créer leurs brassins.
De même les producteurs travaillent à de nouvelles variétés. Ce notamment en France dans le cadre d’un programme de recherches menées en Alsace depuis
2001 par le Comptoir Agricole.
Des travaux qui concernent d’une part les propriétés aromatiques mais aussi les moyens d’améliorer la résistance des plantes face aux maladies. Cela a déjà permis la création de Aramis en 2011, Triskel en 2012, Barbe rouge en 2014, et de houblons aux notes herbales ou florales, voire aux arômes de fruits exotiques, litchi, melon, fruit de la passion dont on distingue les saveurs par exemple dans la récente variété Mistral.
Notons à ce propos que dans le Livre Blanc de la Brasserie Française, édité en 2014 par l’association Brasseurs de France, la proposition n°7 portait sur le développement de la culture du houblon en France. De nouvelles régions de production sont en train de voir le jour. Une exploitation est même prévue en terrasse de toits à Paris pour une brasserie parisienne !
Houblon aromatique ou amérisant, il forge l’identité de la bière
Maintenant passons à l’houblonnage de la bière. Pour commencer sachez qu’on utilisera de100 à 200 grammes de fleurs de houblon pour aromatiser 100 litres de bière.
Ensuite il existe deux procédés. Le premier, le plus utilisé est le houblonnage à chaud. Les fleurs de houblon principalement des variétés amèrisantes – les cônes ou les pellets– sont alors plongées dans la cuve où le moût en ébullition.
Au contact de la chaleur, selon la variété utilisée, la quantité et la durée d’ébullition, les caractères du houblon vont se libérer et contribuer à donner à la bière sa future amertume.
Un houblonnage dès le début de l’ébullition va augmenter l’amertume, tout comme le temps d’immersion. A l’inverse un houblonnage tardif et court dans la cuve d’ébullition permettra au houblon de libérer ses huiles pour contribuer à l’arôme et au goût de la bière.
L’autre technique est le houblonnage à froid, plus souvent présenté comme « à cru » ou « dry hopping ». Ici les cônes ou les pellets vont être ajoutés dans les cuves de garde, une fois la bière finie, en fin de fermentation.
Pendant l’ébullition du moût, une partie des arômes du houblon ont tendance à se volatiliser si infusé trop longtemps. On va toutefois parvenir à aromatiser le brassin, en y rajoutant entre 1 et 10 g de houblon par litre. Le houblonnage à cru est par définition plus gourmand en cônes ou pellets, et est utilisé surtout pour les houblons aromatiques.
Vous connaissez maintenant nettement mieux le houblon, son rôle et son utilisation dans la fabrication de la bière. Sachez toutefois que cette plante incroyable a d’autres atouts que celui d’apporter amertume et arômes à une bière en la rendant plus stable.
En effet le houblon peut aider à combattre les insomnies. Ses huiles essentielles permettent notamment d’apaiser l’anxiété. Autrefois les grands-mères placer des cônes dans des oreillers à côté de ceux sur lesquels on pose sa tête pour dormir.
On dit aussi que le houblon peut ouvrir l’appétit comme accélérer la digestion. En dermatologie il est aussi utilisé dans des crèmes afin d’aider à tonifier et réparer les tissus abimés.
Enfin si l’on attribue au houblon la capacité à atténuer certains troubles de la ménopause comme les bouffées de chaleur, et avoir une action galactogène (provoquer des montées de lait aux femmes) du fait de la présence d’un phytoœstrogène (l’hopéine), messieurs cela peut aussi vous provoquer une gynécomastie (augmentation du volume de la glande mammaire) avec parfois une baisse de la libido… Comme quoi il est toujours bon de consommer avec modération !
Récolte du houblon Whitbread Golding à Poperinge en Belgique
Nous vous invitons ici à participer, en images, à la récolte du houblon Whitbread Golding dans l’exploitation d’Eric Lagache (patron d’Eurohop), aujourd’hui premier producteur de Belgique, et fournisseur d’AB InBev pour sa Leffe Royale Whitbread Golding.
L’homme qui a repris en 1973 l’exploitation de houblon de son oncle et de sa tante a depuis plus que doublé la superficie de son exploitation à près de 30ha.
Créé il y a plus d’un siècle, le houblon Whitbread Golding est cultivé aujourd’hui dans le village de Poperinge, au climat maritime tempéré et aux sols fertiles, mélange de sable et d’argile.
C’est ce houblon noble, alternative aux Kent Golding et Progress qui sont produits en Angleterre, qui apporte son léger goût citronné et résineux et ses arômes fleuris à la Leffe Royale Whitbread Golding.
Houblon Whitbread Golding à Poperinge
Embarquement immédiat sur le tracteur d’Eric Lagache pour une récolte en images au travers de sa houblonnière, avant de rejoindre le hangar de traitement et de stockage du houblon et de déguster une bonne Leffe Royale Whitbread Golding.