La distillerie Port Ellen

La distillerie Port Ellen

Le petit monde des whisky-geeks s’est incroyablement agité hier suite à l’annonce par le groupe Diageo de la réouverture des distilleries Port Ellen et Brora.


Pour un pourcentage pour le moins limité d’amateurs de whisky dans le monde, ces deux noms signifient sans aucun doute le graal en terme de scotch.

Concernant la distillerie des Highlands, le 34 ans se négocie autour de 1.800 euros la « quille » de 75cl, le 37 printemps frôlant les 2.000…

Pour la fameuse distillerie d’Islay la déraison débute juste sous les 1.700 euros et la folie furieuse se situe non loin des 4.000 euros pour un 35 ans… Voilà qui donne un cours de la tourbe pour le moins élevé…

Il faut dire qu’après 3 décennies de fermeture les stocks sont bien faibles, les flacons diablement rares et ce qui est rare est cher… car très recherché par des gens qui aiment autant (voir plus) la spéculation de le scotch tourbé, aussi bon soit-il…

Alors évidemment, ressusciter deux des plus fameuses « lost distilleries » a provoqué un véritable émoi… dans un cercle très, mais alors très fermé !

Vraiment une très bonne nouvelle tout de même ? Les connaisseurs et amateurs de tourbe sont en droit de l’espérer.

Pour les collectionneurs, pas nécessairement, les cours pourraient en effet connaitre un léger ralentissement de leur hausse frénétique et délirante… Et dans la spéculation un pence est un pence…

Reste que Diageo, qui a annoncé un investissement de 35 millions de Livres Sterling (40 millions d’euros environ) pour relancer la distillation dans ces lieux, a également précisé qu’en plus de répondre à l’attente des amateurs existants, cela allait aussi permettre « de créer de «nouvelles générations de consommateurs et de répondre à la forte croissance du marché du single malt ».

Une production qui, sans être à flots, ne se fera pas en tous petits volumes donc, et qui se doit bien entendu de permettre de rentabiliser un sacré investissement…

Pour info celui-ci sera d’ailleurs utilisé afin d’installer une unité de production de Port Ellen dans un nouveau bâtiment sur le site et de rénover les installations de Brora.

Maintenant comment reproduire ces malts comme il y a 35 ans ? Chez Diageo on assure que les nouveaux single malts seront aussi ressemblants que possible à ceux que Port Ellen et Brora produisaient avant la fermeture. Le contraire nous aurait étonné…

Mais bon, si les recettes sont peut être encore disponibles, les hommes le sont nettement moins. Tout comme l’orge d’il y a 30 ans, celui-ci ayant pour le moins évolué.

Et que dire des levures, qui font du brassage et de la fermentation une phase au moins aussi importante que la distillation ? Nous pouvons douter qu’elles aient été conservées.

A se demander ce qu’il reste réellement de ce qui permit de faire de grands single malts whiskies bien tourbés…

On ajoutera à cela que ces scotchs aux prix aujourd’hui inabordables sont âgés de plus de 20 ans… Or, s’ils étaient merveilleux dans leur jeunesse ils ont tout de même subit de plein fouet la crise du whisky écossais des années 80, au point de quitter la scène…

Enfin, histoire de calmer un peu l’emballement, pour ne pas dire l’hystérie, tout porte à croire que les premières realeases de ces ressuscitées ne sortiront pas de si tôt… à part bien sûr pour quelques coups marketing bien montés, histoire de renflouer un peu les caisses…

De fait, les fans inconditionnels, qui ne sont majoritairement pas des poussins de l’année, vont devoir patienter un certain temps (pour ne pas dire un temps certain) avant de voir de potentiels nectars débouler sur le marché.

Par contre, pour ces « nouvelles générations de consommateurs » que Diageo vise, elles n’auront pour la très grande majorité, jamais eu le palais chatouillé par la tourbe d’époque des deux distilleries cultes. Alors la probabilité de satisfaction semble plus grande… Et comme ce sont eux l’avenir, Diageo s’en satisfait d’avance…

Bref, l’annonce a eu son effet, dans son petit microcosme, il est peut être maintenant temps de revenir à des sujets plus classiques et retrouver une vie normale.

Pour ce qui est de Brora et Port Ellen, eh bien nous en reparleront sérieusement dans 10 à 12 ans, si nous sommes encore là, et vous aussi… En espérant ne pas être déçus…!