Le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (SNBI) qui tenait son assemblée générale le 30 mars dernier au Salon du Brasseur, à déterré la hache de guerre ! En effet celui-ci a annoncé officiellement vouloir mettre fin aux contrats brasseurs. A savoir ces fameux liens qui unissent commercialement un distributeur (café, bar ou restaurant) et un brasseur.
Dans la majorité des cas le débit de boisson s’engage à s’approvisionner exclusivement en bière auprès de celui-ci, ce sur une période déterminée (en général 5 ans), en échange de la fourniture d’un service spécifique (matériel, outils de communication) et/ou parfois même d’un prêt financier.
Ce dispositif est principalement le fait des brasseurs industriels qui aujourd’hui, selon les chiffres avancés par le SNBI, concernerait 80% des cafés hôtels et restaurants vendant de la bière.
Le SNBI met en exergue le fait qu’aujourd’hui avec plus de 1.500 brasseries indépendantes et artisanales dans toute la France, l’offre de bière est particulièrement diversifiée et que donc « les contrats brasseurs sont une réelle entrave à la liberté de la concurrence et empêchent les consommateurs français d’accéder à des bières artisanales et régionales de qualité ».
Au delà de satisfaire la curiosité papillaire des buveurs de bière français le SNBI défend bien entendu sa paroisse et espère ainsi que la bière artisanale et locale puisse avoir sa place dans le réseau CHR , « qui sont de véritables lieux de dynamisation du territoire ».
Un dernier argument qui est d’ailleurs mis chaque année en avant par Heineken en tant qu’organisateur du Prix Des Cafés Pour Nos Régions depuis 2014, en partenariat avec sa filiale France Boissons et l’association Centre-Ville en Mouvement.
A ce propos nous avons interrogé Heineken France sur cette déclaration de guerre lancée par le SNBI et voici leur réponse.
Pour Heineken les contrats passés sont « avant toute chose un soutien à la pérennité et au dynamisme de la filière. Ce par une garantie apportée par le brasseur (caution solidaire) qui sécurise les établissements bancaires souvent frileux à accorder des prêts ». Le brasseur y voit une aide nécessaire et indispensable de la part de brasseurs suffisamment solides pour épauler des établissements en ayant besoin pour l’acquisition d’un débit de boissons, des travaux de rénovation, l’achat de matériel… « Chez Heineken nous cautionnons des prêts sans limitation de montant pour l’acquisition des fonds de commerce, pour la réalisation de gros travaux d’aménagement ou d’embellissement du point de vente », précise Valentine Noury, Responsable Influence & Media.
Chez d’autres brasseurs industriels on évoque également « le financement dans tout le système de service et de sanitation de la bière qui permet à ce que cette dernière arrive au bout des becs de service avec la meilleure qualité « .
Heineken souhaite également préciser que si le contrat d’exclusivité sur les bières est bel et bien d’une durée de 5 ans (celle du prêt), il porte exclusivement sur les bières vendues en fûts et non en bouteilles). Pour Heineken cela laisserait ainsi aux établissements la possibilité de proposer des références complémentaires en bouteilles, « l’offre bouteilles est très développée sur les bières artisanales ».
Pour notre part nous ne manquerons toutefois pas de souligner que l’offre fûts se développe aussi chez les petits brasseurs qui y voient justement un moyen de sortir de la classique clientèle de vente directe et des cavistes.
Enfin, en ce qui est du fait que les « cafés hôtels et restaurants sont emprisonnés par ces contrats brasseurs » comme l’écrit le SNBI dans son communiqué, Heineken tient à préciser que « les conditions contractuelles sont définies en concertation avec l’établissement. Il s’agit d’un partenariat commercial dans lequel le brasseur se porte caution pour l’établissement et en contrepartie l’établissement s’engage sur des volumes réalisables dans le cadre du contrat. Le brasseur n’a aucun intérêt à mettre en péril la santé et le dynamisme de l’établissement soutenu. Les volumes de bières du contrat de fourniture exclusive sont définis en concertation avec le client CHR sur la base de ses capacités et de son activité. Ce principe élémentaire doit assurer une relation de confiance entre l’établissement et le brasseur-caution, le tout dans une logique de partenariat ou chaque partie s’engage dans un équilibre gagnant-gagnant et une relation commerciale saine ». Enfin Heineken rappelle que l’établissement a la liberté de ne plus se fournir chez le brasseur de manière exclusive à l’issue de son prêt, donc de rester ou non en relation commerciale avec le brasseur-caution.
Pourtant le SNBI assure qu’en sortant de ce système de contrat, les cafetiers et restaurateurs y trouveront plus leur compte financièrement. Et, cela est sans doute plus évident, que les brasseurs indépendants pourront distribuer plus librement leurs bières. Pour qu’au final les clients des CHR aient accès à une grande diversité de bières artisanales.
Le SNBI, conscient que sa bataille engagée sera longue et difficile, assure qu’il « mettra tout en oeuvre pour faire interdire ces contrats brasseurs et laisser l’accès libre à nos brasseries indépendantes dans le monde du CHR ». Pour cela il tente de positiver en rappelant qu’en 2014, en Angleterre, l’association CAMRA (Campain for a real ale) qui défend les intérêts des consommateurs de bières, a obtenu la dissolution d’une loi équivalente à ces contrats brasseurs.
Affaire à suivre en effet, nous ne manquerons pas bien entendu de revenir sur ce sujet.