La Belgique a une particularité quant à son paysage brassicole. Si la bière est particulièrement présente dans l’histoire du pays, elle est aussi et surtout faite d’histoires de famille. A tel point que l’on y a même créé une association, la Belgian Family Brewers qui regroupe des brasseries belges qui sont restées depuis toujours dirigées par une même famille.
C’est le cas de la Brasserie De Brabandere, «Brouwerij De Brabandere» en flamand, une entreprise familiale belge de brasseurs, qui vient tout juste de fêter ses 130 printemps ! L’aventure a en effet commencé au XVIe siècle avec des fermiers-brasseurs et conduit à la fondation officielle de la brasserie en 1894 par Adolphe de Brabandere à Bavikhove. Aujourd’hui banlieue de la ville belge de Harelbeke, en province de Flandre-Occidentale.
Et autant dire que chez les de Brabandere on s’est battu pour que la brasserie surmonte des périodes bien compliquées, comme la Première et la Seconde Guerre mondiale, et surtout on a su innover sans cesse en conservant bien sûr la tradition comme socle pour prospérer.
Dirigée aujourd’hui par la cinquième génération, la brasserie est connue pour la diversité et la qualité de ses bières, mais aussi son engagement dans des initiatives sportives locales (en Belgique, il n’existe pas d’équivalent de la loi Evin), comme la course cycliste Grand Prix Bieren Bavik, connu sous le nom de « Grand Prix de Bavik ».
Une course qui a obtenu le statut de « classique » reconnue par l’Union Cycliste Internationale en 1991 et où se sont illustrées des légendes tels Eddy Merckx en 1976, Thomas Voekler en 2004, Robbie McEwen en 2006, Alberto Contador en 2009, Peter Sagan en 2012 et Marcel Kittel en 2013.
L’été dernier la Brasserie De Brabandere a été partenaire officiel de la Belgium House pour les Jeux Olympiques de Paris. Une initiative du Comité Olympique et Interfédéral Belge (COIB), véritable « ambassade éphémère » de la Belgique basée dans les Salons Hoche à Paris.
Mais revenons en à l’essentiel, les bières de la Brasserie De Brabandere qui perpétue un savoir-faire ancestral, faisant d’elle un pionnier de la bière belge et une pièce incontournable du patrimoine brassicole belge.
Si à ses origines, comme de nombreuses brasseries flamandes traditionnelles, à Bavikhove on brassait des bières de fermentation spontanée, des brunes et rouges flamandes à l’acidité prononcée, l’innovation arriva rapidement avec la sortie de sa mythique Bavik Super Pils. Permettant une production en plus grand volume, mais aussi de toucher une nouvelle cible de consommateurs, cette blonde de fermentation basse a montré que De Brabandere savait vivre avec son temps sans renier son histoire.
Une Pils mythique, des triples et double typiquement belges
La Bavik est une Pils belge de grande qualité grâce à un processus de fabrication intransigeant: maltée comme il faut, épicées avec les seuls houblons aromatiques elle connait une fermentation de 8 jours puis une maturation longue et froide (30 jours) pour obtenir une bière à la limpidité naturelle, savoureuse, dotée d’une amertume délicate. Elle existe en trois références: Bavik Super Pils, une pils premium à 5,2%, la Bavik Export un peu plus légère en alcool (5%) et la Bavik Super Wit, une blanche à 5% avec zeste d’orange et coriandre moulus et ajoutés avant la fin du brassage.
La Brasserie De Brabandere s’est aussi positionnée sur les bières de fermentation haute, notamment au travers de sa célèbre gamme Petrus Tradition. Celle-ci a vu le jour en 1957 et propose les incontournables blonde, double et triple belges. Au printemps 2024, la brasserie a relooké leur packaging et revisité deux de ses recettes pour proposer trois bières aux caractéristiques gustatives proches du style « bière d’abbaye ».
Parmi les autres références en fermentation haute on trouve notamment la Kwaremont. Une bière blonde de caractère, maltée, destinée à l’origine aux « cafés cyclistes » en Belgique. Elle titre 6,6 %, comme les meilleures côtes, telle l’Oude Kwaremont, une grimpette pavée allant vers le village de Kwaremont, situé sur la commune de Kluisbergen des Ardennes et dont la bière à pris le nom.
La Demi de Mêlée quant à elle a vu le jour en 2016, issue de la collaboration de la brasserie avec Sébastien Ethoré, ancien joueur de rugby amateur français et passionné de bière artisanale. Une bière blonde titrant 5,9%, bien équilibrée et rafraichissante.
Le coup des foudres
Mais De Brabandere n’a jamais oublié son histoire et pénétrer dans la brasserie se fait par la salle des foudres en chêne français d’une capacité de 220 hectolitres chacun, impressionnante et magnifique. C’est ici que la brasserie laisse mûrir ses bières de fermentation mixte et spontanée pendant deux ans.
Comme la tradition belge l’a si bien maitrisé, le maître brasseur n’utilise pas les foudres pour du « cask aging », un vieillissement sous bois de la bière pour en tirer des notes boisées où celles d’un vin ou d’un spiritueux autrefois contenu. Le foudre a été retenu car il abrite les différents micro-organismes qui vont transformer les sucres résiduels de la fermentation principale en acides, alcools supérieurs et esters.
De plus, légèrement perméable contrairement à la cuve inox, le foudre laisse l’air s’infiltrer lentement dans la bière à travers le bois, avec comme résultat une oxydation contrôlée. Un processus que le brasseur va suivre pendant 2 années afin d’obtenir au final une bière aigre et fraîche aux arômes particulièrement fruités.
C’est le cas de la Petrus Aged Pale, ayant connu 24 mois de foudre en chêne. Cette bière titrant 7,3% offre une belle conplexité, avec des notes bien fruitées et trame franchement acidulée. Cette bière existe depuis la fondation de la brasserie en tant que bière de coupage pour d’autres bières de la gamme sour, afin de leur donner des saveurs fraîches et acidulées typiques
La Petrus Rood Bruin qui titre 5,5% est une bière rouge-brun flamande de pure tradition. Issue d’1/3 d’Aged Pale et de 2/3 de bière brune jeune elle associe la gourmandise maltée avec la fraicheur acidulée.
La Petrus Red qui titre 8,5% est issue d’un assemblage de 15% de Aged Pale (vieille 18 à 24 mois) et de 85% de Double Brune au jus de cerises. Nous avons déjà chronique cette bière fruitée, boisée, gourmande avec une pointe d’acidité.
La Petrus Infinitum est la preuve absolue de la capacité d’innovation de la brasserie De Brabandere. Brassée spécialement à l’occasion du 130e anniversaire de la brasserie elle issue de l’assemblage unique d’une triple blonde bien houblonnée et d’une bière acidulée vieillie en foudre avant d’être embouteillé dans une bouteille originale. Comme ses notes de dégustation qui font apparaître une bière titrant 8% avec une trame acidulée mais aussi la gourmandise d’une triple refermentée en bouteille et la fraicheur d’un bon houblonnage.
Bert De Brabandere, la 5e génération aux commandes
Aujourd’hui la Brasserie De Brabandere est dirigée par Albert, dit «Bert», De Brabandere. Né pile 90 ans après la création le 5 sept 1894, il a deux enfants de 8 et 10 ans, déjà très au fait et inclus dans la vie de la brasserie familiale. La relève serra assurée à n’en point douter…
Nous sommes aller le rencontrer à Bavikhove au mois de décembre dernier afin qu’il nous partage sa vision de la brasserie familiale. Pour lui, pas de miracle, les bonnes bières de la brasserie ne répondent qu’à la devise de la maison « never compromise on taste », « pas de compromis sur le goût » en bon français.
Pour cela Bert explique que pour la bière, c’est « comme la confiture de la grand mère, on garde les ingrédients et le savoir faire et on se concentre sur la cuisine ». Et l’exemple le plus partant est sans doute celui de la Bavik, cette pils aujourd’hui primordiale dans l’esprit de la brasserie. « Elle représente 40% de la production totale qui est de 190 000 à 200 000 hl par an selon les années, avec 40% de bière brassée à façon. Mais surtout elle a ramené 11 médailles en 10 ans », se félicite Bert.
« Elle est réalisée à partir de malt français et de houblons uniquement aromatiques, et surtout du Sazz. On utilise les 8 puits de la source qui est sous la brasserie et dont le plus profond est à 180 m », confie Bert quant aux ingrédients.
Pour la « cuisine », un des petits secrets est «la mise en ébullition rapide pour réduire le temps de cuisson, nocif pour le malt », ajoute-t-il. « Ensuite on effectue une fermentation basse de 7 jours, puis une garde de 27 jours et une autre de 5 jours après filtration jusqu’à -1°. Notre ingrédient c’est aussi le temps ! », insiste Bert.
Alors évidemment, le temps c’est de l’argent. « C’est pour cela qu’il ne nous est pas possible de faire des promotions « 1+1 gratuit » comme certains. Alors comme on ne peut pas se battre sur ce créneau, on se bat sur la qualité ! », tient à préciser, un peu moqueur, Bert.
Bien sûr De Brabandere c’est aussi une tradition des bières flamandes passées en foudre. « Ils vont permettre la fermentation spontanée à partir d’environ 6 à 7 bactéries qui vont transformer notre bière triple en bière acide. Le processus va durer de 18 à 24 mois pour que nous obtenions les esther fruités qui vont faire toute la différence », explique Bert qui précise que chaque année ce sont « 32 foudres de 220 hl qui sont produits, soit environ 3500 hl ».
Là encore, le temps est indispensable. Et cela fait 130 ans que c’est ainsi ! Mais cela n’empêche pas à la brasserie de vivre aussi avec son temps et d’innover. La Petrus Infinitum en est la preuve !
Innover et préserver l’environnement
Comme tous les investissements récents, par exemple les nouveaux fermenteurs, le passage à la canette avec suremballage en carton, « pas de film plastique pour être toujours plus responsable avec l’environnement », précise Bert.
Un point sur lequel notre homme est très attentif. « Nous avons installé des panneaux solaires sur la brasserie ce qui permet de couvrir 40% de nos besoins en électricité qui est utilisée sur de plus en plus de petit matériel. De plus 100 % des gaz issus du traitement de l’eau avec notre station d’épuration sont recyclés et 40% de ces biogaz sont utilisés pour chauffer la salle de brassage », ajoute-t-il
Et pour l’avenir les efforts vont se poursuivre. « Nous avons un projet d’osmose inversée pour réutiliser notre eau. Aujourd’hui il nous faut 4 litres d’eau pour produire 1 litre de bière et nous visons un objectif à 3 litres le plus rapidement possible ».
Et puisqu’il est question d’objectif, Bert s’en est fixé un autre à plus long terme, « atteindre 200 000 hl de production avec nos marques propres uniquement avant le passage à l’autre génération », conclue-t-il.
Et la France dans tout ça ?
Le marché français compte aujourd’hui pour 20% de la production de la Brasserie De Brabandere. C’est Bibe Fam (pour « Bières Belges Familiales »), filiale française de la Brasserie De Brabandere, qui assure le lien. Il s’agit d’une plateforme logistique commercialisant des bières de spécialité en France. Elle assure ainsi les ventes des bières de la brasserie De Brabandere mais aussi celles d’autres brasseries belges familiales et indépendantes via des dépositaires qui distribuent ensuite aux bars, restaurants, hôtels, commerces de détail.., partout dans l’Hexagone. Aujourd’hui bien présente dans l’ouest de la France elle vend 72% auprès du réseau CHR et 28% au circuit de distribution.
La Brasserie De Brabandere en images
- Bert de Brabandere devant la gravure de la brasserie
- Photos historiques de la brasserie
- Bavik au fil des temps
- La salle de brassage
- La salle de brassage
- Le process de fabrication de la Bavik
- Salle de brassage
- Les fermenteurs
- Ce qu’est De Brabendere
- En salle de garde
- Ligne d’embouteillage
- Ligne d’embouteillage
- Ligne de mise en casier
- Ligne de mise en fût
- Stockage des fûts
- Les boites de Bavik
- Dans la salle des foudres
- Dans la salle des foudres
- L’art de l’assemblage
- L’or De Brabandere
- La gamme Petrus
- Petrus Rood Bruin et Tripel à table
- Petrus Red en accord avec dessert au chocolat