L’an passé le Baromètre Sowine Dynata avait fait vibrer le monde brassicole en annonçant que pour la première fois la bière était devenue la boisson alcoolisée préférée des Français !

L’émotion aura été de courte durée, le millésime 2024 du Baromètre redonne le pouvoir au vin, boisson emblématique en France, qui reprend sa première place de boisson alcoolisée préférée des Français à 60% (+5 pts vs 2023) et devance de nouveau légèrement la bière (58%).

Alors on se consolera en se disant que cela se joue à peu de choses et qui plus est que la bière garde sa première position chez les hommes en marquant même +7 pts par rapport à 2023. Sans oublier qu’elle est la boisson la plus intergénérationnelle puisqu’autant appréciée chez les jeunes de 18-25 ans (à 52%) que chez les 50-65 ans (à 53%).

 

La bière repasse derrière le vin

La bière repasse derrière le vin

Mais attention, il ne faudrait pas trop se faire mousser non plus, ces chiffres masquent des réalités que le secteur s’est caché lorsque tout allait bien dans le meilleur des mondes, quand il n’y avait pas de guerre en Ukraine, pas de flambée des prix des matières premières, de l’énergie et un pouvoir d’achat en pleine érosion…

Aujourd’hui alors que les brasseurs, les cavistes et les bars tirent une langue de plus en plus sèche, on ne s’étonnera pas que moins de la moitié (48%) des Français déclarent s’intéresser à la bière et que cet intérêt est en baisse de 5 points par rapport à 2023.

Parmi eux sans surprise les hommes s’y intéressent davantage, à 57%, alors que l’intérêt est en baisse chez les femmes (40% à -5 pts vs 2023). 54% des Français se déclarent « néophytes », 39% s’estiment « amateurs éclairés » et seulement 6% se définissent comme « connaisseurs/experts ».

Finalement, malgré ce « boom » de la bière artisanale, pas grand chose n’a vraiment évolué… Car oui, cela a sans doute été un « boom » surtout vécu et mis en avant par une toute petite tranche de la population, mais sans doute pas une révolution.
La preuve, si les bières « locales » sont les plus recherchées par les Français à 64% (+4 pts vs 2023), elles sont tout de suite suivies par les bières industrielles à 46% qui progressent encore mieux (+5 pts vs 2023) et les bières importées à 44% (-7 pts vs 2023). Les fameuses « craft » elles ferment la marche à seulement 39% et surtout sont en net recul, de 7 points par rapport à 2023 !

Les Français et les styles de bière

Les Français et les styles de bière

D’ailleurs, sans surprise, la catégorie de bière la plus consommée reste toujours la bière dite « blonde » (96% // -1 pt vs 2023) devant la bière blanche (79% // -4 pts vs 2023) par ailleurs consommée autant par les hommes (78%) que par les femmes (79%). Suivent la bière ambrée (68% // -6 pts vs 2023) et la bière brune (66% // -6pts vs 2023).
Quant aux bières « tendances », autant dire qu’elles ne le sont que dans un microcosme visiblement puisqu’elles sont en queue de peloton, avec 40% pour la si merveilleuse IPA et 23% pour la si folle Sour. Pire, ce sont elles qui s’offrent la plus belle chute par rapport à 2023, respectivement de 7 et 9% !

Par contre la bière sans alcool a bel et bien la côte, elle se place en tête des boissons No-Low avec 65% d’adeptes chez les consommateurs de la catégorie, qui représentent 28% des Français, part quasi stable (-1%) par rapport à 2023.

La bière star des No-Low

La bière star des No-Low

 

Alors on se posera peut être la question de savoir ce qu’est une bière « locale », et même une blonde et plus encore une « craft » dans l’esprit des sondés. Mais on ne peut se voiler la face, et de nombreux brasseurs le disent sans le clamer toutefois – évitons de froisser les influents spécialistes – les bières qui se vendent sont les plus simples. Une bonne lager pas trop amère, une blanche fraiche et légère, voir une jolie ale ou une ambrée suivant la saison, voilà ce qu’attend la très grande majorité de la population.

On ajoutera même qu’il faudra de la qualité, de la différence palpable entre les versions « craft » et « indus’ » car au niveau des prix, pour être palpable cela l’est ! Et en temps de crise économique, le litre à 4,24 euros (exemple du pack de 6 Chouffe 33cl chez Carrefour) et les 33cl à 3,50 euros pour une blonde à 6% d’une brasserie artisanale de l’Est de la France chez une grande enseigne de cavistes, cela peut particulièrement influencer le consommateur lorsqu’il regarde son compte en banque…

La crise actuelle que connaissent les brasseurs est indéniablement l’occasion d’ouvrir les yeux et son esprit. Après la période Covid nombreux sont ceux qui ont admis que les circuits de  distribution devaient être plus variés et que la grande distribution n’est pas à exclure pour certains brassins (pourquoi pas sous une marque spécifique). Aujourd’hui créer des bières bien inventives est certainement un plaisir mais pas d’un apport économique suffisant. Cela doit donc être accompagné de ce que le public, dans sa grande majorité, attend en matière de bière, avec de la qualité et à un prix correct. Une équation compliquée certes en cette période…