Une étude insolite révèle les secrets de l’attraction entre humains et moustiques dans un laboratoire improvisé au cœur d’un festival de musique
Aux Pays-Bas, des chercheurs ont transformé quatre conteneurs maritimes en laboratoire scientifique pour percer les mystères de l’attraction des moustiques. Leur terrain d’étude ? Le festival de Lowlands, où alcool et transpiration créent des conditions parfaites pour comprendre pourquoi certaines personnes sont de véritables « aimants à moustiques ».
Dans un monde divisé entre les « aimants à moustiques » et les chanceux qui échappent presque miraculeusement aux piqûres, une équipe de scientifiques néerlandais a décidé de s’attaquer à l’un des mystères les plus agaçants de l’été. Leur approche ? Aussi originale qu’efficace.
Du 18 au 20 août 2023, le festival Lowlands aux Pays-Bas s’est transformé en gigantesque laboratoire à ciel ouvert. Dans quatre conteneurs maritimes connectés, transformés en « laboratoire pop-up », les chercheurs ont mené ce qu’ils ont baptisé le « Mosquito Magnet Trial » (l’essai des aimants à moustiques).
L’idée était simple mais brillante : étudier l’attraction des moustiques dans des conditions réelles, avec des participants présentant différents niveaux d’hygiène et d’intoxication. Car où mieux observer ces facteurs que dans un festival de musique, où la douche devient optionnelle et où l’alcool coule à flots ?
Sur les 465 participants à l’étude, les résultats sont sans appel : les personnes ayant consommé de la bière sont 1,35 fois plus attractives pour les moustiques que celles qui s’en sont abstenues. Plus précisément, les « atterrissages » de moustiques sur les bras étaient significativement plus élevés chez les buveurs de bière comparé à ceux qui s’étaient noblement abstenus pendant au moins 12 heures.
Cette découverte confirme une intuition que beaucoup partageaient déjà : l’alcool rend effectivement plus vulnérable aux piqûres de moustiques. L’alcool non seulement déshydrate, mais peut aussi amplifier les composés organiques volatils qui signalent « repas » aux moustiques.
Mais l’étude révèle aussi de bonnes nouvelles pour ceux qui veulent échapper aux piqûres. Une douche récente et l’utilisation de crème solaire réduisent l’attraction des moustiques. Plus fascinant encore, parmi les personnes qui avaient pris une douche récemment, celles qui avaient appliqué de la crème solaire étaient environ deux fois moins attractives que celles qui n’en avaient pas mis.
Cependant, l’effet protecteur de la crème solaire s’estompe à mesure que le temps écoulé depuis la dernière douche augmente, suggérant que la crème solaire peut masquer temporairement les odeurs naturelles ou contenir des composés qui repoussent incidemment les moustiques. À l’inverse, le parfum n’a montré aucun effet protecteur.
Parmi les découvertes les plus surprenantes : partager son lit augmente aussi l’attraction pour les moustiques. Cette corrélation inattendue pourrait s’expliquer par des modifications du microbiome cutané ou des phéromones liées au contact intime. La consommation de cannabis a également été associée à une plus forte attraction.
Comme le résument avec humour les chercheurs : « Nous avons découvert que les moustiques sont attirés par ceux qui évitent la crème solaire, boivent de la bière et partagent leur lit. Ils ont tout simplement un goût pour les hédonistes parmi nous ! »
Si l’étude peut sembler anecdotique, ses implications sont sérieuses. Comprendre pourquoi certaines personnes attirent davantage les moustiques pourrait avoir des applications importantes pour la santé publique, notamment dans la prévention des maladies transmises par ces insectes vecteurs.
Les moustiques sont responsables de la transmission de nombreuses maladies graves comme le paludisme, la dengue, le virus Zika ou le chikungunya. Identifier les facteurs qui rendent certains individus plus attractifs pourrait aider à développer de meilleures stratégies de protection, particulièrement dans les zones à risque.
L’étude a également analysé le microbiome cutané des participants en prélevant des échantillons sur leurs avant-bras. Les résultats montrent que les personnes très attractives pour les moustiques présentent une plus grande abondance de streptocoques sur leur peau, ainsi qu’une prolifération générale de bactéries associées aux mauvaises odeurs.
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives : l’attraction des moustiques ne dépendrait pas seulement de nos gènes ou de nos habitudes, mais aussi de l’écosystème microbien qui vit sur notre peau. Une piste prometteuse pour développer de nouveaux répulsifs ciblant spécifiquement ces communautés bactériennes.
Cette étude offre des recommandations concrètes pour réduire les risques de piqûres :
À éviter : la bière et l’alcool en général, qui multiplient par 1,35 le risque d’être piqué.
À privilégier : une douche récente et aux beaux jours l’application de crème solaire, qui divisent par deux l’attraction des moustiques.
Les chercheurs recommandent toutefois de prendre ces résultats avec précaution, car l’étude s’est déroulée dans un environnement spécifique (festival de musique) qui peut ne pas être représentatif de toutes les situations.
Cette étude, publiée en pré-print sur bioRxiv, attend encore sa publication dans une revue scientifique après évaluation par les pairs. Elle témoigne de la créativité des chercheurs pour étudier des phénomènes complexes dans leur environnement naturel.



