Installée dans l’ancienne friche Nordlys, à deux pas de la gare de Bailleul, la future Cité de la bière va transformer une usine textile abandonnée en temple vivant de la culture brassicole des Hauts-de-France. Sur 3 500 m², ce site présenté comme “lieu phare” du tourisme régional ambitionne de faire mousser à la fois l’économie locale, le patrimoine et l’image de la Flandre française.

Pendant trente ans, la friche Nordlys a somnolé derrière ses murs d’enceinte et sa grande cheminée, vestiges d’un passé industriel que beaucoup voyaient partir en poussière. Plutôt que de tout raser, le projet assume une reconversion douce : les façades, les toitures et la cheminée seront conservées et intégrées dans un ensemble plus ouvert, avec parvis, espaces verts et chemin de promenade.

Cette mutation est portée par Cœur de Flandre Agglo et la Région Hauts-de-France, qui y voient un symbole fort d’une région capable de raconter son histoire autrement qu’en noir et blanc. Bailleul n’a d’ailleurs pas été choisie par hasard : au moment de l’appel à projets régional, la ville s’est imposée face à d’autres candidats grâce à son ancrage brassicole et à la proximité de nombreuses brasseries, dont la 3 Monts ou la brasserie du Pays flamand.

Au départ, le projet rêvait d’une sorte de “Cité du vin du Nord”, vitrine monumentale de la bière à la façon bordelaise. Mais entre pandémie, crises et budgets resserrés, l’ambition a été recalibrée : on parle désormais d’une enveloppe d’environ 21 millions d’euros, loin des 80 millions de la Cité du vin, avec une Région qui prendra 40% des coûts et un Département du Nord engagé à hauteur de 1,5 million.

Cette réduction d’échelle n’empêche pas le projet de vouloir frapper fort sur l’expérience de visite. Plutôt qu’un musée figé, la Cité de la bière se veut un lieu hybride, où le visiteur circule dans un parcours immersif découpé en “bulles” thématiques, mêlant scénographie, dispositifs interactifs, ateliers et dégustations.

Concrètement, le futur site réunira un grand hall d’exposition et centre d’interprétation, une microbrasserie, une biérothèque, des espaces de découverte avec ateliers de brassage, ainsi qu’un bar, un restaurant et des boutiques. Dehors, un jardin du houblon et un chemin de promenade compléteront le tableau, façon rappel grandeur nature que la Flandre est d’abord une terre de cultures et de champs.​

L’architecte DREAM et le scénographe Epatant ont été récemment choisis pour orchestrer l’ensemble, avec une feuille de route claire : allier écologie, patrimoine et modernité. Dans la vision présentée, la Cité de la bière s’ouvre largement sur la ville, avec un grand parvis et des espaces accueillants pensés autant pour les touristes de passage que pour les habitants qui voudront simplement “prendre un verre à la Cité”.

Au-delà du bâtiment, l’enjeu est d’en faire une tête de pont d’une véritable “route de la bière” dans la région, en lien avec les nombreuses brasseries artisanales déjà ouvertes au public. L’idée assumée est de ne pas cannibaliser ces acteurs, mais de les mettre en réseau, la Cité servant de porte d’entrée, de lieu de compréhension et de coordination pour le tourisme brassicole.

La Flandre intérieure espère ainsi renforcer son statut de destination incontournable pour les amateurs de bière, en capitalisant sur un patrimoine longtemps sous-exploité. Si les premières annonces misaient sur une ouverture dès 2025, le calendrier s’est nettement décalé : dépôt du permis de construire envisagé en 2026, début des travaux en 2027 et ouverture désormais visée entre fin 2028 et début 2029.

​Pour les élus comme pour les acteurs de la filière, la Cité de la bière est présentée comme un outil de fierté collective autant que comme un levier économique. Elle porte un message simple : ici, la bière n’est pas qu’un produit de comptoir, c’est un savoir-faire, une histoire, un marqueur identitaire que l’on assume et que l’on revendique.

Reste à voir si le public suivra et si la Cité saura se renouveler dans la durée, là où d’autres grands équipements culturels ont parfois peiné à tenir la cadence. Mais à Bailleul, on semble déjà prêt à trinquer à ce pari : avec une friche ressuscitée, des brasseries en embuscade et un storytelling bien en place, la ville espère bien devenir, d’ici quelques années, la capitale brassicole de la Flandre française.